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Panorama géopoétique

Théorie d'une textonique de la Terre
Entretiens avec Régis Poulet
Paris, Editions de la Revue des Ressources, 2014.

Commande possible sur le site de l'éditeur : (http ://www.larevuedesressources.org/parution-de-panorama-geopoetique-de-kenneth-white,2721.html)

Préface de Régis Poulet

Les civilisations sont non seulement mortelles, elles peuvent être mortifères. Ces derniers temps, on a pu constater que le rythme de la dégradation s’accélère. Un discours catastrophiste, et un sentiment général diffus, voudrait que notre monde soit fini. Nous avons atteint ses limites géographiques depuis longtemps. Des satellites géosynchrones sont suspendus au-dessus de nos têtes, comme des dysangiles ou des cassandres high-tech. Les ressources naturelles s’épuisent. La terre connaît une crise du vivant faisant poindre une sixième extinction massive des espèces. La culture est hors-sol.

Aussi, dans la situation qui est collectivement la nôtre en ce début de XXIe siècle, il n’est d’autre choix que d’oser.

Il n’y a plus de grand récit fondateur : ni mythe, ni religion, ni même Histoire qui tiennent. La production de savoir n’a jamais été aussi importante et pourtant, nous ne savons qu’en faire si ce n’est poursuivre dans une démesure que les Grecs, déjà, dénonçaient sous le nom d’hubris. Il est de plus en plus évident que la résolution de nos problèmes passe par une double attention non contradictoire au global et au local. Le temps des « horribles travailleurs » entrevu par Rimbaud nous échoit. Il s’agit de s’emparer de la masse de connaissances disponibles pour en faire quelque chose qui ne se retourne ni contre nous ni contre le monde.

Kenneth White fait partie de ces travailleurs de fond (disons, rapidement, dans la lignée de Nietzsche) très conscients que leur travail est peut-être un dernier « baroud d’honneur ». Ils ouvrent un espace – pour l’esprit, pour des individus – et qui sait quel grand tournant serait encore possible ?

Le travail de White consiste non seulement à re-lire le monde, mais à le re-dire, à partir de la base. En choisissant le préfixe géo- pour englober toutes les dimensions du monde, la géopoétique inventée par Kenneth White ne laisse de côté ni la lithosphère, ni l’hydrosphère, ni l’atmosphère, ni la biosphère ni la sphère de la pensée. Mieux : la géopoétique les met toutes en relation dynamique. Il s’agit d’une entreprise énorme, hors normes. Même si White est celui qui dynamise l’ensemble parce qu’il est celui qui fonde et qui explore avec le plus de témérité ce champ, il n’est pas seul. Il a toujours eu le sens de l’organisation. Par la fondation de l’Institut international de géopoétique en 1989, suivie par son archipélisation en 1994, il a fait en sorte que cette théorie soit aussi une pratique dont chacun peut s’emparer selon son contexte local. De fait, de nombreux îlots ont émergé, ici ou là, au fil du temps, faisant connaître la géopoétique tout en découvrant eux-mêmes son potentiel. Vingt ans après l’archipélisation, l’on constate que le concept a diffusé largement mais parfois confusément.

C’est pour cela que j’ai voulu inviter Kenneth White à faire une mise au point.

Aussi, constatant l’intérêt que le lieu, le milieu, l’habiter éveillaient dans divers horizons de la pensée, intérêt souvent manifesté par l’usage des racines éco- et géo-, ai-je souhaité demander à Kenneth White ce qu’il en pensait et quels rapports la géopoétique entretenait — si tant est qu’elle en entretienne — avec ces différentes disciplines plus ou moins constituées.

Le résultat, c’est ce Panorama perspicace, percutant et perspectiviste.

À Lyon
Atelier géopoétique du Rhône
Hiver 2013
Extraits
Préface de Kenneth White

Ce livre a pris son origine dans une suite de questions qui me furent adressées par Régis Poulet concernant mon positionnement vis-à-vis de tous les « géo- » (géophilosophie, géocritique, etc.) qui sont apparus ces dernières années, depuis que, après avoir lancé le terme de géopoétique dans des textes et des conférences dès la fin des années 1970, j’ai fondé l’Institut international de géopoétique en 1989.

Pas à pas, ce qui, au début, ne se voulait pas autre chose qu’une suite de questions-réponses assez rapides a pris les allures d’un traité, mes « réponses » (réactions, avis, remarques) se transformant en essais documentés.

Le propos était double : à la fois faire une étude critique de toutes ces disciplines « géo- » à la lumière de la géopoétique, mais aussi voir en quoi chacune d’elles pouvait être considérée, sous tel ou tel de ses aspects, comme une contribution à la géopoétique. La première approche permettait, par un processus d’érosion, de préciser les contours de la géopoétique, et la deuxième, de relever dans toutes les nouvelles disciplines les éléments d’un mouvement de fond dans une civilisation amorphe, qui a perdu tout repère.

Bref, cette tournée des « géo- », tour d’horizon existentiel, intellectuel, culturel, vise en fin de compte à tracer la cartographie d’un monde potentiel.

J’ai longtemps hésité sur le titre. J’ai d’abord été très tenté par Organum Geopoeticum, en référence, évidemment, au Novum Organum de Francis Bacon qui lui-même se référait à l’Organon d’Aristote. Mais si Wittgenstein pouvait encore, même à Londres, employer, en 1922, le latin pour le titre de son livre, Tractatus logico-philosophicus, nous avons depuis fait des progrès en « anti-élitisme ». Les ressources intellectuelles, linguistiques et poétiques, autrefois disponibles, s’épuisent. J’ai pensé ensuite au terme de « champ ». La géopoétique est en effet plus un champ qu’un système, ou qu’un organon. « Le grand champ de la géopoétique » sonnait assez bien à mes oreilles, et j’avais l’idée d’y associer comme épigraphe ces « grands champs baignés de la blancheur de l’aube » évoqués par André Gide dans les Nourritures terrestres, un livre qui avait marqué mon adolescence. Mais cela aurait encouragé ceux qui ont déjà tendance, par ignorance, facilité ou tactique, à rejeter la géopoétique du côté d’un vague lyrisme des lieux. J’ai fini par opter pour un titre purement « optique ».

Panorama, pan horama, une vue complète dans tous les sens. C’est ce que Pétrarque avait devant les yeux au sommet du mont Ventoux. Ce fut un moment crucial, marquant un grand tournant dans la culture occidentale.

Mais à la fin de cette préface, c’est vers un autre de mes vieux compagnons de route que je me tourne, un écrivain chinois du xvie siècle, Yuan Hongdao, qui se disait « amoureux des nuages et des pierres », c’est-à-dire de choses abstraites et de choses concrètes. À une époque de crise en Chine, Hongdao tenta un renouveau intellectuel et culturel, d’abord en s’opposant ouvertement à l’intelligentsia régnante et à la littérature officielle, avant de consacrer son temps à des études profondes et à de longs voyages. À propos d’œuvres qui « n’entrent pas dans le moule » et d’une littérature s’adressant, non pas aux « littérateurs vulgaires », mais aux « voyageurs fervents » et aux « ermites sauvages », il dit ceci :

« Tout ce qui touche à ces choses est difficile à comprendre. Ceux qui n’ont pas de talent ne comprennent pas ; ceux qui en ont ne comprennent pas davantage. Ceux qui n’ont pas de culture ne comprennent pas ; ceux en ont ne comprennent pas davantage. Ceux qui ne comprennent pas ne comprennent pas ; mais ceux qui comprennent ne comprennent pas non plus. C’est bien difficile à comprendre. »

La route est ouverte.

Presse
Si l'on connaît Kenneth White pour ses poèmes et ses waybooks (ou livres-du-chemin), ses essais sont également de premier plan.

Parallèlement à des livres d'essais qui ont reconfiguré les coordonnées de notre postmodernité et ouvert un nouvel espace mental comme La Figure du dehors (1982), L'Esprit nomade (1987), Le Plateau de l'albatros (1994), Une stratégie paradoxale (1998) et Les Affinités extrêmes (2009) - Kenneth White a multiplié les livres d'entretiens.

Le présent volume publié par les ERR prend place dans cette suite d'essais et d'entretiens - qui ont développé les concepts de nomadisme intellectuel et de géopoétique - tout en ouvrant une nouvelle série : la collection des Carnets de la grande ERRance. Ces entretiens ont pour but de faire le point sur la réflexion contemporaine autour du géo-, c'est-à-dire du rapport à la Terre, au regard de ce que la géopoétique propose.

Il intéressera tous ceux qui souhaitent sortir des sentiers battus de la réflexion contemporaine et sera utile à tous ceux qui désirent explorer davantage l'espace ouvert par Kenneth White grâce à la géopoétique.

     Présentation du livre sur le site de la Librairie Ombres Blanches