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Le Plateau de l'Albatros

Introduction à la géopoétique
Paris, Grasset, 1994.

Présentation de l’éditeur

     André Malraux déclarait qu’après les grandes affres politiques du XXe siècle, le XXIe siècle serait spirituel ou ne serait pas.
     Tout en analysant la situation historique à sa manière, mais en prenant son point de départ sur un terrain radicalement différent, Kenneth White propose autre chose : une ouverture au monde, une relecture de la terre, un renouvellement de l’expression sous toutes ses formes. Bref, un nouveau fondement culturel, pour lequel il a inventé le concept et le terme de géopoétique.
     Le Plateau de l’albatros examine ce concept des points de vue scientifique, philosophique et littéraire, suit quelques itinéraires individuels (La Pérouse, Humboldt), salue l’œuvre de quelques grands compagnons de route (Cendrars, Thoreau, Kazantzakis…) et déploie la première cartographie d’un (nouveau) monde, tout en situant ces idées et les pratiques de la géopoétique dans notre contexte socioculturel actuel, par rapport à d’autres notions qui se profilent en cette fin du XXe siècle, telles qu’écologie ou postmodernité.
     Le résultat est un de ces livres qui marquent un tournant majeur dans l’histoire culturelle.

Extraits
     Cette côte atlantique que je hante (après être passé par la Méditerranée – je n’oublie pas mes classiques), cette côte toute en projections et en ouvertures, a toujours été un lieu de départs – vers l’Afrique, l’Amérique, la Polynésie et l’Asie. Toutes ces années, j'ai suivi ce mouvement, parfois par poètes et navigateurs interposés. Avec les départs personnels, en chair et en os, il y a toujours eu dans ma vie et dans ma pratique les globes et les mappemondes, ainsi que les livres. C'est en tournant le globe, un soir d'hiver dans mon atelier atlantique, partagé, comme souvent, entre un dégoût qui n'accepte pas de devenir désespoir et un élan qui s'interdit tout idéalisme, que je suis tombé sur le plateau de l'Albatros : au large de l'Amérique Centrale, sur la dorsale du Pacifique, à côté de la fracture de Clipperton, entre la longitude 100 et la longitude 110, à quelque 1000 milles marins des Galapagos. Ce plateau émerge à peine de l'eau – quel meilleur symbole pour une pensée (celle de la géopoétique) en émergence ? Mais la curieuse résonance que ce nom provoquait en moi ne s'arrêtait pas là. Ce nom qui allait devenir un titre (c'est-à-dire, une suite de mots qui à la fois condense des énergies et ouvre des horizons) était, me semblait-il, approprié à plus d'un égard. Je pensais moins au poème de Baudelaire, qui reste au niveau du pathétique, qu'à la fin du livre de Gregory Bateson, La Nature et la Pensée. On peut y lire un dialogue entre une fille et son père, qui est bien sûr Bateson lui-même. Comme tant d'« experts en communication », la jeune fille veut des réponses nettes à des questions précises. C'est justement ce que le vieil homme se refuse à donner, de sorte qu'exaspérée, la jeune fille finit par s'exclamer : «Papa, arrête. Chaque fois qu'on arrive à poser une question, tu changes de sujet. On dirait qu'il y a toujours une autre question. Si seulement tu pouvais répondre à une question, rien qu'une. » Ce que propose le père, c'est, au-delà des questions, de dresser une cartographie de l'«esthétique» et de la « conscience », ensuite d'aller au-delà de la carte en l'englobant dans un contexte plus vaste, plus exaltant : « Après toutes ces discussions sur l'esprit, la tautologie et la différence, je serai bientôt prêt pour les symphonies et pour les albatros… » (mes italiques).

Extrait de la préface


     Je continue à marcher sur l'estran, ne sachant pas trop bien où je vais, mais dans cette exaltation diffuse qui se produit, qui a lieu quand une pensée (une vision, une science) est en train de surgir et de trouver, grandement, dans le grondement du monde, son articulation. Cette articulation n'est pas achevée, ne le sera jamais. J'ai seulement la sensation d'être arrivé au terme d'un voyage et d'avoir rassemblé au moins quelques éléments.
     Eléments de littoralité…
     Rhétorique du rivage…
     Ecriture côtière…
     Géopoétique générale…
    Les trois points de suspension sont le signe d'une ouverture dans laquelle je vais continuer, plus ou moins maladroitement (mais aucune habileté ne m'aiderait), comme un de ces crabes dont je viens de parler, à tâtonner.
     Pour le moment, heureusement, la marée monte.
     Jouissons-en.

Fin de l’épilogue, « Une matinée sur l’estran »

Presse
Présente dans ces travaux de manière diffuse ou explicite depuis des années, la géopoétique n’avait pas son ouvrage de référence, sa somme initiale : c’est le vide que vient combler Le Plateau de l’Albatros, le dernier et important livre de Kenneth White. […]
Au fil des chapitres qui composent Le Plateau de l’Albatros, on est frappé par la vivacité de la pensée, par la quantité de pistes qui s’ouvrent, et aussi par la vigueur de ce qui est affirmé. C’est à la fois dense et ample, virevoltant sans pourtant que se perde la direction principale. […]
Incitant, tonique, ce livre ouvre aussi quantité de pistes à ses lecteurs, libres ensuite de mener leurs propres explorations. Le Plateau de l’Albatros n’est pas un aboutissement : ni pour celui qui l’a écrit, toujours en mouvement, ni pour celui qui l’a lu, invité à rebondir dans mille directions.
     René Zahnd, Le Passe-Muraille (Lausanne)

Kenneth White nous gratifie d’une remarquable introduction à la géopoétique dans son dernier ouvrage, Le Plateau de l‘Albatros.
Un des aspects les plus inquiétants du dépérissement morbide où nous sommes plongés est que nous nous acharnons à en discerner et atténuer les symptômes socio-économiques, sans en rechercher les causes profondes. Quelques pensoteurs frileux parlent bien d’une « crise des valeurs » sans voir que ce sont les fondements mêmes de notre monde qui sont ébranlés, menacés de destruction.
Un acte de lucidité valant toujours mieux que la cécité ou la peur, nous commencerons la grande lessive conceptuelle en reprenant (et approuvant) une proposition de Kenneth White : « Nous sommes arrivés au bout de l’autoroute, du « chemin du faire » de l’Occident. » Et si nous ne voulons pas que le bordel planétaire finisse par un gigantesque carambolage, nous allons devoir inventer une nouvelle civilisation, ce qui fera beaucoup de travail ! […]
Investiguer, explorer, avancer pas à pas sur les continents, à travers les océans, les forêts, les savoirs, les arts, les sensibilités, le charnel et le surréel, en oubliant tout idée de nation, de repli particulariste. C’est ce que n’a cessé de vivre et de faire Kenneth White.
     Henri-Charles Tauxe, 24 heures de Lausanne