accueil
portrait
portrait
portrait
portrait
portrait
portrait
portrait
© 2008 - Une réalisation Symbiose Informatique - Création graphique : Sucré Salé     fr    us

Limites et Marges

Édition bilingue. Traduit de l'anglais par Marie-Claude White.
Paris, Mercure de France, 2000.

Préface de l'auteur (fragment)

     Ce livre commence par évoquer une situation historique précise, où une certaine marginalité rejoignait un sens de l’altitude : la montagne devenait, pas à pas, un état d’esprit. Ensuite, en déployant quelques cartes (générales, particulières et curieuses) du monde, en pointant l’amer sur les caps, en reblanchissant les maisons à sémaphores, il tente, à l’instar de mes autres livres, d’ouvrir un espace de pensée poétique planétaire, sous le double signe de l’intensité et de l’amplitude, selon le double mouvement de l’investigation et de l’expansion. Puis, dans une dernière partie, on trouvera des poèmes plus courts, écrits en passant par divers lieux de la terre. J’ai toujours été fasciné par les choses que l’on rencontre dans des endroits peu fréquentés : balises sonores aux pays de brumes, débris laissés par les marées, stèles des steppes, lichens sur un plateau sans histoire, petits cairns de montagnards et de caravaniers, marques géodésiques. Cette troisième partie peut se lire peut-être comme une sorte de livre d’heures, de carnet de route d’un pèlerin du vide-plénitude.

Extraits
Dans la nuit de Nashvak

Nuit sur le Labrador
myriades d’oiseaux dans le demi-jour
posés, apaisés
seuls quelques rares envols encore
là-bas, ce passage de mouettes Sabines

serait-ce une mort ?
ou le prélude à une autre vie ?

la question, trop lourde
perturbe
ces ondes de silence
plutôt attendre
jouir de ce demi-jour

des langues de mer
des langues de mer venues du nord
remontant les baies et les fjords
lapant le roc archéen
diront le poème au-delà des questions

ils dorment
les canards, les oies, les pluviers
tous dorment
cette terre, un immense sanctuaire

relâche
sur le long chemin des migrations

relâche

dans cette nuit
entre l’Ancien Monde et le Nouveau
pénétrer plus loin
toujours plus loin
dans un monde
ni nouveau ni ancien

un monde
ni ancien ni nouveau
suivre jusqu’au bout
le chemin des oiseaux

......

l’aube point
dans le cri de l’oie sauvage.


Kant à Königsberg

Cette ville, grise et vieille

où jour après jour
j’ouvre mes livres
et voyage à travers les paragraphes
parcourant le dur chemin
qui me mène à la clarté

sortir du langage inadéquat
que l’humanité s’est infligé
la lumière, c’est cela

labeur quotidien, routine quotidienne

un de ces matins
je me promets de partir
pour une longue promenade tranquille
le long de la côte balte
au-delà de Fischhausen.

Presse
Il y a toujours chez Kenneth White ce désir de sortir du temps, de la culture, de soi-même. Véritable voyage « pas à pas au travers du réel », nous allons vers un horizon capable de nous transfigurer tout en restant présents au monde […]. La poésie est ce réel sans limite toujours projeté en avant et la place que l’homme y occupe n’est plus qu’une part dans ce grand tout. Chant clair et net qui rassemble l’épars telles « les feuilles d’un atlas » immense, écrit au cours de tous les temps […]. Kenneth White nous tend d’un livre à l’autre « la conscience d’un espace quasi infini/et d’une complexe et mouvante réalité ». Nous ne sommes jamais enfermés dans un de ces livres, Kenneth White montre, fait signe, puis s’efface. […]  Dans la densité de cette parole qui ne veut suivre ni les mythes, ni les symboles, nous allons vers le « chant de la terre », vers l’urgence, vers un plaisir d’exister loin de la médiocrité.
     J.-M. Corbusier, Le Mensuel littéraire et poétique (Bruxelles)

À l’heure où Paris, enceint d’aucune aventure, porté par aucun enthousiasme, revisite son passé et ses pavés, Kenneth White nous offre un recueil de poèmes, contenant trois livres : « Mémoires de la montagne », « Feuilles d’un atlas atlantique », « La laisse de haute mer » ; nous voici tout à coup saisi, envoûté, embarqué par une langue nue, démaquillée, maigre comme un lézard. […] Le monde est là, présent, avec ses formes, ses lignes, son silence, régalant l’œil, nourrissant l’esprit.
     Christian Laborde, Le Figaro Magazine