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La Carte de Guido

Un pèlerinage européen
Traduit de l'anglais par Marie-Claude White.
Paris, Albin Michel, 2011.

Présentation de l'éditeur

    Comme tous les vrais voyageurs, Kenneth White sait que les pays, les villes et les paysages existent déjà dans les « carte de Guido », qui rassemble dans un savant désordre l'histoire, la géographie, la philosophie et la poésie d'une europe médiévale rêvée, devient le pilote secret de ses propres explorations. 
    À son tour, de Venise et Trieste à Bilbao, de l'Irlande aux Balkans, l'auteur de La Maison des marées dresse  une cartographie lyrique et critique de notre vieux continent, brosse des tableaux de société colorés, vivants et malicieux. S'il parle de « pèlerinage », il ne faut y voir rien de religieux, mais une expérience profonde des lieux, ponctuée de rencontres savoureuses avec leurs habitants, et, en passant, l'évocation de quelques figures marquantes de la culture européenne.
    La curiosité de Kenneth White est inépuisable, comme sa spontanéité de promeneur érudit et son intelligence toujours sur le qui-vive. Partout dans ce livre, avec ses éclairs et son humour parfois noir, on entend le rire du gai savoir.

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À voir et écouter : un entretien sur le livre à Web TV Culture
À lire : le texte de l'entretien sur Web TV Culture

Extraits
     Glasgow me remonte à la mémoire comme le mugissement d’une sirène de bateau sur la Clyde un soir de brume, comme le refrain lancinant d’une chanson des rues, comme un crépuscule embrasé sur Great Western Road, comme un terrain vague sous la lune.
     …
     Sur une carte à la fois géographique, sociologique et psychologique, Glasgow se situerait entre Moscou et Chicago, participant des deux – avec cette différence et cet avantage que c’est une ville atlantique, une ville océanique : la pluie y sent l’iode.
     J’avais une chambre sur une des hauteurs, d’où j’avais une large vue sur le fleuve – sauf par temps de brouillard. Même sans brouillard, pour bien voir, il fallait ouvrir la fenêtre, car les vitres étaient couvertes d’une épaisse couche de suie qui faisait comme une neige noire. À quoi bon la nettoyer, disait mon propriétaire, dans trois jours, ce serait « pareil comme avant ». Il tenait là un bon argument.
     De temps à autre, je voyais dans le ciel un objet rouge et circulaire qui me faisait penser vaguement au soleil. Mais le paysage, chromatiquement gris et jaune, était surtout lunaire – lunaire et saturnien. J’avais d’ailleurs une carte de la lune sur un mur de ma chambre. Je m’y promenais régulièrement, de la mer des Rêves à la mer de la Sérénité, en passant par la mer des Crises.
     …
     À l’époque, je composais un énorme roman (un roman qui mettrait fin à tous les romans) intitulé L’éducation de Kelvin Watt. Un peu plus tard, je me suis lancé dans quelque chose de plus intellectuel, abstrait et fragmentaire, intitulé Logan (l’homme du logos, pour qui la littérature devait être dorénavant un logbook, le carnet de bord d’une haute navigation de l’esprit)…
     J’étais prêt à suivre ma trajectoire – une trajectoire probablement erratique, peut-être même catastrophique.
     Tous comptes faits, Glasgow était un excellent point de départ.
     À partir de là, pas d’espoir facile, pas d’illusions, pas de compromis, pas de demi-mesures, pas de confort intellectuel, pas de petite littérature.
     Une œuvre radicale dans ses principes et océanique dans son envergure, sinon rien.

Extraits du chapitre « Tropique de Saturne »


     « Le lendemain matin, dans la région du Naranjo, j’ai commencé à gravir le sentier pierreux qui menait à la crête de Pandébano dans un silence de papillons blancs.
     De chaque côté, d’épais buissons de noisetiers et d’aubépine. De temps en temps, sur ce sentier sinueux qui se changeait par endroits en bourbier à cause de la présence de petits ruisselets, je me retournais pour jeter un coup d’œil de plus, sous un angle dif férent, sur le Naranjo, l’énorme masse de roc blanc qui domine la région de ses 2500 mètres.
     Mais la plupart du temps je me contentais de grimper, lentement, pas après pas, et de remarquer ici ou là le vol vif, en flèche, d’un oiseau de montagne.
     Par moments, une petite brise soufflait de nulle part, faisant voltiger et chuchoter les feuilles des noisetiers, tandis que les aubépines restaient immobiles sur leur tronc robuste.
     Au sommet du sentier, s’étendait devant moi une haute vallée couverte de pierraille, habitée seulement par le vent.
     Puis, soudain, par une brèche dans la crête d’en face, se répandit une étrange lumière bleue.
     Une étrange lumière bleue venue de loin.

Extrait du chapitre « Sur les crêtes de l’aurore »


     De bon matin, j’avais quitté mon hôtel dans la Toplicin Venac à Belgrade et marchais à présent dans la rue Kolarceva, bordée de maisons aux façades jaune moutarde et vert pâle.
     « Demokratia ! Demokratia ! »
     C’était un crieur de journaux. Mais dans le silence du matin et dans le contexte historique les mots prenaient une autre dimension. Surtout quand une vieille femme s’avança dans ma direction sur le trottoir. Lorsqu’elle fut presque arrivée en face du vendeur de journaux, elle prit un petit sifflet en plastique dans son sac à main et fit deux tuts. Aussitôt, le vendeur de journaux sortit de sa poche un sifflet identique et à son tour fit deux tuts. Puis elle fit trois tuts, auxquels il répondit à nouveau par trois tuts. Sur quoi ils éclatèrent de rire tous les deux et rangèrent leur sifflet.
     …
     J’étais arrivé à Belgrade par avion le jour précédent… Ma chambre d’hôtel était nue, mais elle avait une salle de bain aussi grande qu’une patinoire. La fenêtre donnait sur les arrière-cours d’une enfilade d’immeubles festonnés d’antennes de télévision. Je me suis allongé sur le lit pour méditer sur la situation, et j’ai dû m’assoupir car je fus réveillé en sursaut autour de sept heures et demie par une cacophonie épouvantable montant de l’arrière-cour : concert de sifflets, tintamarre de casseroles, braillements et hurlements. Que diable se passait-il donc ? J’ai appris plus tard que c’était un bruit démocratique ayant pour but d’étouffer les nouvelles officielles de la télévision.
     …
     Autour de dix heures du soir, nous sommes passés devant la Librairie de Platon, point de départ de la plupart des manifestations des précédentes semaines. Les murs du quartier étaient couverts d’affiches et de graffiti :            « Émancipez-vous de l’esclavage mental », « Belgrade, c’est le monde »…
     Chez le médecin étaient rassemblées une vingtaine de personnes, assises sur des chaises, sur des canapés ou par terre, dans une pièce aux murs tapissés de tableaux, principalement des scènes de villages. Deux hommes chantaient de vieilles chansons de la côte dalmate, de la Voïvodine, de Bosnie, de Croatie. « En Yougoslavie, tout se mélangeait », me dit une jeune fille. Un jeune gars, Milan, raconta qu’il avait réussi récemment à obtenir un visa pour Paris, mais que lorsqu’il avait présenté son passeport au contrôle de l’aéroport, il avait été traité comme un pestiféré – c’est pourquoi, dit-il, certains jeunes ne demandent plus de visas. Une autre jeune fille, Biljana, avait, pour sa part, obtenu un visa pour le Gabon. Un jour, au milieu de la jungle, un jeune homme lui avait demandé de quel pays elle venait. « Oh, ça n’a pas grande importance, vous ne le connaissez pas », avait-elle répondu. Mais il avait insisté, alors elle avait fini par lui dire : « La Serbie ». « Ah bon, et alors vous croyez qu’on ne vous connaît pas ? Nous avons la télé ici, comme partout ailleurs.  Vous êtes tous de sales bouchers. »
     Qu’était-il arrivé à la Yougoslavie ? Stefan, un historien, me raconta que, si la situation n‘avait pas été sans problème auparavant – personne dans cette salle ne dirait le contraire –, ce qui s’était produit avait été vécu comme un cauchemar. Il fallait analyser tout cela, inventer une nouvelle organisation, créer un nouveau contexte. Cela vaudrait la peine d’essayer plutôt que de partir vendre des pizzas à New York. Ce ne serait pas facile, mais, qui sait, avec le temps, quelque chose d’inattendu et d’intéressant pourrait germer…

Extraits du chapitre « Un sifflet et une pierre »


À lire également, dans "La Revue des ressources", un extrait du chapitre "Dernières nouvelles de Bruxelles", et sur le site "Brèves de montagne" le chapitre "Sur les crêtes de l'aurore".

Presse
L’Écossais aux semelles de vent parcourt pour ce livre l’Europe, humant notre continent avec une intelligence rare et contagieuse. Érudit, bourré de rencontres savoureuses, vivant et très imagé, ce manuel de géographie personnel nous raconte notre monde d’une manière unique.
     Isabelle Falconnier. L’Hebdo.

Une forme de nomadisme et d’écriture qui privilégie la rencontre avec des lieux toujours perçus comme des présences, qui porte à développer une expérience autre de la terre et de la vie, à la fois physique et métaphysique. Voyages, vagabondages, obéissant à la logique discontinue du désir, au flux des faits, à la quête de quelque lumière comme à celle de traces ou d’échos du passé, et dont La Carte de Guido nous donne  un riche aperçu. Kenneth White y dresse la cartographie lyrico-poétique de ses errances passées ou présentes. […] On passe de la géographie physique à la géographie mentale, on marche, on flâne, on sirote du whisky, on déambule à la frontière de l’histoire et de la poésie, comme poussé par une sorte d’urgence existentielle et par le désir d’être totalement présent à ce qui est.
     Richard Blin, Le Matricule des anges.

Il ne faut pas chercher dans ce livre une trame romanesque. L’auteur se promène, savoure des rencontres, des paysages, des  lectures. Même si le texte prend parfois la forme d’une enquête, à la suite de la copie de cette carte mystérieuse – Guidonis Liber, Pise XII° siècle – copiée dans une bibliothèque de Bruxelles. […] De Bruxelles à Podgoriça, en passant par la Galice et l’Italie vénitienne, Kenneth White esquisse des portraits, croque des bribes de conversations entendues dans des trains et nous fait savourer cette comédie humaine en mouvement. Et si le voyage n’a pas de sens linéaire, il n’en est qu’enrichi de l’épaisseur des années qui séparent les  différentes excursions. […] Les voyages de Kenneth White, témoin privilégié, sont  solitaires, à l’image de cette inscription sur la maison du Prince Eugène à Stockholm, relevée par l’auteur : Sole, sole, gaudeo (seul, tout seul je jouis d’une solitude solaire). Mais par l’écriture, il rejoint son lecteur et partage avec nous sa curiosité des lieux et des personnes, sa soif de découvertes et un regard toujours disposé à l’étonnement.
   Aymeric Bourdin, nonficton.fr

Kenneth White continue de marcher et de s’expatrier : Balkans, Irlande, Espagne… Le rythme des paysages et des rencontres, des histoires et de l’Histoire se distille comme les très grands whiskys. Nous, nous adorons.
   Trek

Pratiquant le voyage comme un collecteur d’énergie, Kenneth White, le poète cosmographe, nous entraîne sur les routes de la vieille Europe, mêlant dans son propos histoire des peuples, vie spirituelle, géographie, humour, philosophie et poésie, ce dernier mot étant à prendre dans son sens le plus dionysiaque. D’une stupéfiante érudition, cet esprit étincelant donne une saveur particulière à chaque escale de son périple. De son Écosse natale aux rivages des Balkans, en passant par l’Irlande, la Belgique, la Galice et le Pays basque espagnol, il nous fait explorer toute une gamme de sensations.… Peu à peu une cartographie mentale prend le relais du paysage, qui devient comme la métaphore d’une expérience profonde, tonifiante et inédite du monde.
     Luis Porquet, Le journal d’Elbeuf

Envie de voyager? Partez avec Kenneth White pour un «pèlerinage européen» qui vous mènera de Glasgow à Bilbao, de Munich à Venise, de l'Irlande aux Balkans, de l'ouest de l'Angleterre à la Belgique... L'écrivain écossais, installé en Bretagne depuis maintenant près de trente ans, est un promeneur sans pareil. S'il donne l'impression de flâner sans but, d'errer dans les rues le nez au vent, il ne faut pas s'y tromper: Sans jouer les guides pompeux, il est toujours aux aguets, son esprit constamment sur le qui-vive. À chaque halte, il observe, écoute, parle aux gens qu'il croise, rapporte des souvenirs personnels, historiques ou littéraires.
    Yves Loisel, Le Télégramme

Lire la recension complète de La Carte de Guido par Régis Poulet dans La Revue des ressources.