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Le Rôdeur des confins

Traduit de l'anglais par Marie-Claude White.
Paris, Albin Michel, 2006.

Présentation de l’éditeur

     Avec Le Rôdeur des confins, on traverse des territoires du nord et du sud, de l’est et de l’ouest avec, toujours à l’horizon, ces confins de l’esprit que White affectionne. Ils sont là, palpables, dans les solitudes boréales de Scandinavie, dans les plaines d’Europe centrale, dans la forêt brumeuse de l’Amérique du Nord, dans la roche désertique de l’Atlas, dans la lumière blanche d’Andalousie, dans les embruns océaniques du Portugal, ou encore à travers les rencontres de l’auteur avec Kierkegaard à Copenhague, avec ce vieux fou de Swedenborg à Stockholm, avec Rousseau en Corse, avec Herman Melville à Tahiti.
     Voyager en compagnie de Kenneth White procure un bonheur extrême : rien de pesant, aucune pose dans son style d’un naturel incroyable. Le Rôdeur des confins est un voyage jubilatoire dans le plus vif de l’existence et dans la matière du monde.

On peut lire le prologue sur le site de l'Institut international de géopoétique.

Extraits
     À huit heures, je suivis le corridor vert émeraude, descendis l’escalier marron à l’odeur de moisi, et pénétrai dans la salle à manger.
     Piliers roses. Un aquarium avec des poissons rouges nageant dans la saudade, cette « indéfinissable » sensation portugaise de l’existence. Un plateau de fromages prenant lentement des allures Art Nouveau et deux mouches manifestant leur appréciation. Sur une mezzanine, un antique piano qui avait peut-être accompagné aux jours d’antan de fervents fados melliflues.
     J’ai commandé du rouget.
     Le serveur était un gars lunaire à la moustache tombante. J’avais parlé avec lui un peu plus tôt. Ç’avait été une étrange expérience. J’avais posé une question – rien de métaphysique du genre « Qu’est-ce que Dieu ? », rien d’existentiel du genre « Comment ça va ? », juste une question banalement chronologique : « À quelle heure est le dîner ? » Long silence. La question semblait être partie le long d’un long labyrinthe mental, et s’être perdue dans le cosmos. J’avais abandonné tout espoir de réponse quand, enfin, elle était arrivée : « Demie sept heures. »
     On apporta les rougets. Ils étaient durs comme des pneus.
     J’appelai le serveur et, posément, lui dis :
     « Ce poisson, mon ami, est trop cuit. »
     Après cette déclaration, un mois s’écoula. Les poissons rouges sentaient le taedium vitae leur peser de plus en plus, les mouches se lassèrent de l’esthétique et s’envolèrent dans une blême nuit de nihilisme, et je commençais à me demander si je n’avais pas prononcé les dernières paroles de l’humanité, quand la réponse vint :
     « Ah, oui, toujours ça au Portugal. »
     C’est ça le fado, du latin fatum, la destinée.
     La destinée, le désastre, sans oublier, bien sûr, le désespoir.
     J’ai donné quelques coups de fourchette stoïques dans mes rougets racornis, bu un café sucré qui réveilla l’intérêt des mouches pour la vie, et suis retourné dans ma chambre.
     La circulation était toujours intense et bruyante.
     En bas, le Navarro’s Bar proposait de la pizza et du coca-cola.
     À nouveau, la pluie tombait à torrents.
     Mondego Blues.

Extrait du chapitre « Pluies et brumes au Portugal »


J’ai poursuivi jusqu’à Piana, un peu plus loin le long de la côte.
     Tôt le matin, j’ai escaladé le rocher qui se trouvait derrière mon auberge, et promené mon regard sur les couleurs et les formes de ce superbe complexe volcano-plutonique qui s’étendait devant mes yeux. Combien de forces contradictoires s’étaient-elles combinées pour créer cette extraordinaire masse cosmo-chaotique, ce champ d’énergie solaire solidifiée, ce splendide poème de la terre ?
     Ce moment passé sur le rocher fut mon ultime méditation corse.
     Pendant que je prenais mon petit déjeuner sur le balcon de ma chambre d’hôtel, j’ai remarqué un nid d’hirondelles dans un coin du plafond.
     Les hirondelles étaient parties.

 Extrait du chapitre « Corsica »


Presse
Kenneth White nous entraîne à sa suite dans un livre complet et inclassable un livre pour rêver, un livre pour se souvenir, un livre pour apprendre, un livre pour voyager… A prendre, à reposer, à lire au hasard ; un livre qui doit absolument figurer dans la bibliothèque idéale des amateurs de voyages, qu'ils partent au bout du monde, ou préfèrent rêver au coin d'une cheminée.
      Marie-Paule Caire, parutions.com

Kenneth White a beau être un voyageur solitaire, il aime le partage ; aussi ses livres donnent-ils immanquablement au lecteur l’impression de faire la route à ses côtés, d’être guidé vers d’autres horizons qui, sans ce décripteur de signes, lui seraient restés inconnus.
On ne peut pas dire que l’écrivain s’aventure en terra incognita dans Le Rôdeur des confins. Nombre de lecteurs ont eux aussi arpenté les terres de Scandinavie, Pologne, Amérique du Nord, Portugal, Corse, Maroc ou îles du Pacifique, les escales de son dernier récit. Mais Kenneth White  en offre une relecture toujours surprenante, pour ne pas dire dépaysante. Les chemins de l’écrivain sont ouverts à l’imprévu, sont ponctués de haltes insolites, de rencontres improbables […]. L’homme fait son miel de bribes de conversation saisies à la volée, d’anecdotes plus ou moins agréables ayant émaillé son périple, et des découvertes qui ne cessent de l’émerveiller. […] Ainsi, en compagnie de ce pédagogue bienveillant et facétieux, une autre perception d’un monde que l’on croyait connu s’offre à nous.
     Marie-Laure Rolland, La Voix du Luxembourg

 Un voyage à multiples escales, pluridimensionnel et multidisciplinaire. Voilà ce que nous propose Kenneth White dans Le Rôdeur des confins. Du Nord au Sud, il rôde aux confins de notre monde, tant terrestre qu’intérieur. Il découvre, en privilégié, avec un œil toujours frais, des villes, des paysages, des contrées, des gens, des évènements passés ou présents. Il se meut dans un espace-temps sans marges, qui appartient à l’histoire autant qu’à la géographie, à sa sensibilité personnelle autant qu’à ce qu’il appelle « une énergie surpersonelle » […]
. Le sentiment de légèreté que son écriture dégage n’est là que pour augmenter le plaisir du lecteur à la découverte de l’érudition de l’auteur. La fraîcheur des sensations, des intuitions, des inspirations vécues par Kenneth White pousse et entrouvre doucement la porte de notre propre sensibilité et envie d’aventure.
     Corina Veleanu, sitartmag.com

Du nord au sud, d'est en ouest, des terres scandinaves à Tahiti en passant par la Pologne, l'Andalousie, la Corse ou le Maroc, Kenneth White parcourt une nouvelle fois les confins et les chemins forgeant son « paysage mental ». Chez cet Écossais qui vit désormais en Bretagne après avoir longtemps eu une vue sur les Pyrénées, rôder est tout un art : « Une pratique ouverte et poétique mettant en œuvre la contemplation, l'étude, le mouvement, la méditation et la composition. »... Paysages et lumières prennent, sous la plume de ce conteur au style limpide, un éclat particulier. « Le réel demande à être observé de près, il invite à une approche sensible des choses », note-t-il sans négliger la part de rêverie indispensable au vagabondage. Avec un sens du détail qui n'oublie pas les plaisirs de la digression, Le Rôdeur des confins célèbre la vie dans ses battements imprévus et éternels.
     Christian Authier, Le Figaro