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La Maison des marées

Traduit de l'anglais par Marie-Claude White.
Paris, Albin Michel, 2005

Présentation de l'éditeur (fragment)

     Depuis toujours, Kenneth White collectionne les terres, les océans, les pierres, les chemins, les vents et les brumes. Il aime marcher, se perdre, faire des rencontres.
     Voici quelques années, il s’est arrêté sur la côte nord de la Bretagne. À la fois espace ouvert et lieu concentré, propice à la rêverie, aux promenades, à la lecture. Segalen, Chateaubriand, Renan ne sont pas très loin.  Faulkner ou Kerouac lui font parfois signe, entre la visite amicale d’un géographe, d’un pêcheur ou d’un routard…
     Dans ce livre, Kenneth White nous raconte ses voyages immobiles, ses randonnées à travers le paysage armoricain, ses rencontres avec les fantômes de moines celtes navigateurs, ses curiosités et ses songes, au fil d'une géographie poétique de la Bretagne…

Extraits
     À quelques centaines de mètres plus loin, le long de la route, vivent les Thoraval. Le premier jour où je l’ai rencontré, Hervé Thoraval m’a déclaré qu’il avait « 17 ans – dans le désordre ». Il a probablement la plus longue mémoire du district, car sa famille vit ici depuis trois siècles. […] Thoraval m’apprit que lorsqu’on entend les galets rouler sur la plage de Beg Leguer, c’est signe de mauvais temps – même chose quand la marée gronde sous le vent du nord dans la baie de Lannion. […] Mais ce jour-là, la plus grande partie de la conversation tourna autour de ce que Thoraval appelait « le whisky de la mer » – à savoir toutes ces caisses de whisky qui, l’hiver de 1982, juste avant mon arrivée, avaient été jetées par la marée sur les plages de Trébeurden et de l’Île Grande, et que les gens s’étaient « appropriées » au nez et à la barbe des douaniers. Invité à le goûter (« Yehed mad », dit Thoraval), je l’ai trouvé puissant et… légèrement salé. Il donna à Hervé Thoraval l’envie de chanter. Déclarant qu’il avait « une voix qui perce les murs », il se mit à en faire une petite démonstration. Il n’aimait pas les chansons modernes – elles étaient toutes trop sirupeuses : Je t’aime, je t’aime… Il n’aimait pas non plus la Marseillaise – trop nationaliste et trop sanguinaire. Quand ils la chantaient à la réunion des Anciens Combattants, il restait cul collé au banc et bouche cousue. Il préférait Breiz ma bro, qui, disait-il, a le même air que l’hymne gallois. Après en avoir chanté un couplet ou deux, nous avons repris la conversation. L’autre jour, dit Thoraval, lui et quelques copains étaient allés ramasser des moules sur l’île Millau. Après la pêche, ils avaient soif, naturellement, et sont allés au café des Roches Blanches. Ils bavardaient entre eux, quand un couple assis à une table voisine, des Suisses, leur posa une question, qui amena la conversation suivante :
     « Quelle langue parlez-vous ?
     – Notre langue maternelle, pardi.
     – C’est quoi votre langue maternelle ?
     – Le breton, madame.
     – Oh, c’est un dialecte français ?
     – Non, madame, pour dire vrai, le français à son mieux est, comme qui dirait, un dialecte breton… Le français, c’est la langue qu’on parle à Paris. Le breton, c’est celle qu’on parle au paradis. »
     Une fois la question linguistique revue et corrigée à leur totale satisfaction, ils commencèrent à parler du temps, qui était très beau ce jour-là. Les Suisses avaient toujours entendu dire que les Bretons vivaient en permanence courbés sous leur parapluie.
     « Pas exactement, madame, dit Thoraval, quelquefois on attrape même des coups de soleil. »
     Les Suisses étaient ravis de rencontrer des gens aussi agréables et aussi hâlés.
     « Tous les Bretons sont-ils comme vous ? demandèrent-ils.
     – J’ai bien peur que non, dit Thoraval, les autres sont encore mieux. »

Extrait du chapitre « Voisins »


     J’ai passé une semaine à Ouessant (qui semblait devenir plus tranquille de jour en jour), en compagnie des pierres, des plantes et des oiseaux : un silence prolongé parsemé seulement de quelques conversations minimales.
     Quand saint Pol Aurélien et saint Gildas mirent pied sur l’île et commencèrent à élever des croix, s’ils ont connu le temps radieux qu’il a fait ici pendant toute cette semaine, ils ont dû se croire au paradis. Je préfère ne pas parler du paradis, en tout cas pas trop fort (les gens en parlent et puis font tout ce qu’ils peuvent pour le rendre impossible), mais ce que je peux dire, c’est que ces journées de septembre passées à Ouessant resteront dans mon esprit comme des pages de soleil, de terre, de mer et de vent dans une bible de la biosphère.

Extrait du chapitre « Septembre à Ouessant »

On peut également lire le chapitre « L’atelier atlantique » sur le site de l'Institut international de géopoétique.

Presse
On attendait depuis un quart de siècle que l'écho renvoie la musique singulière et inouïe des Lettres de Gourgounel, livre fondateur et fondamental qui fit de Kenneth White une sorte de Kerouac à rebours et autrement prodigieux. Voici la chronique d'un ancrage en Bretagne, d'un apprivoisement, d'une kyrielle de petites jubilations. […] Un livre étourdissant.
     Marc-Émile Baronheid, Le Vif/L’Express (Bruxelles)

Avec passion, poésie, tendresse,  humour, Kenneth White évoque les lieux, les gens, les animaux. Par la finesse de son regard, le paysage se fait « musique », « pure beauté, parfaite présence ». Le corps y est toujours palpable, qui hume, qui touche, qui voit…
     Marie Zawisza, La Vie

Livre de marche et de vent, de haltes et de communions, d’échanges et d’impressions, d’aubes et d’éveils, La Maison des marées lave l’œil et l’esprit tout en donnant l’envie de partir, de se laisser guider par ce qui reste de la beauté du monde, en quête de ce petit goût d’éternité qui se cache au cœur du plus fugace.
     Richard Blin, Le Mensuel littéraire et poétique (Bruxelles)

La Maison des marées est un subtil patchwork où se croisent des lieux, des sensations fugitives, des bribes de conversations, des rencontres, des extraits de vieux manuscrits, des emprunts à toutes les cultures de l’humanité, venues d’Asie, d’Occident ou du Maghreb… Kenneth White préfère l’estampe au fusain. Il peint la Bretagne d’un pinceau léger, élégant et juste. Son style fait penser aux écrits de voyages de Bashô, faits de craquements de brindilles et de brefs élans mystiques. Il ne cherche pas à tout dire, ni même à dire puissamment. Il effleure, il cueille, il hume. Et par la magie de cette simplicité savante, il parvient soudain, avec un art consommé de la conversation, à emporter son lecteur dans le vif de l’iode, au cœur d’une vibrante Bretagne.
     Bulletin critique du livre en français.