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Le Visage du vent d'est

Traduit de l'anglais par Marie-Claude White.
Paris, Les Presses d'Aujourd'hui, 1980.

Préface de l’auteur (fragments)

     Le « visage du vent d’est » est une ancienne expression chinoise pour désigner la réalisation du Tao. « Si tu reconnais le visage du vent d’est, dit Tchou Hi, chaque fleur est le printemps. » Et Lao Tseu, parlant de la région où souffle le « vent d’est », dit : « Impossile à définir, on l’appelle la forme du sans forme, et l’image de ce qui n’a pas d’image. »
     […]
     Vivre le plus possible en dehors des contextes établis, prolonger le plus possible mes racines, c’est de cela, au fond, qu’il est question dans mes pérégrinations. Il ne s’agit pas, dans l’art tel que je l’entends, de faire des inscriptions, si belles soient-elles, sur des monuments anciens, ni même d’élever un monument nouveau : il s’agit, en « s’écrivant » d’aller jusqu’au bout du chemin et de voir le visage du vent. Alors, mettons-nous en route. Oublions (sans les oublier) les textes et les disciplines sédentaires, et « sortons nos souliers de marche », sachant que nos maîtres là-bas sur la route pourront être, comme l’a dit un sage indien, « le vent et la putain, la vierge de l’enfant, le lion et l’aigle » – je dirais volontiers, pratiquement n’importe quoi, animé ou inanimé.
     Quand le moine demanda au maître : « Qu’est-ce que le Tao ? », la réponse fut : « Va ! »
     Où que nous allions, nous allons chez nous.

Extraits
Pluie sur Wanchai

     Je me promène dans Wanchai sous la pluie, une pluie douce et chaude, tendre à la peau. À côté des éclairs, des nappes, des flots d’électricité dans la grande artère où je me trouve, la lune, tout là-haut dans le ciel, a l’air bien misérable. C’est une vieille lune fatiguée, sortie il y a bien longtemps d’une ballade ou d’une histoire d’amour, maintenant sans emploi, objet d’étude, sans plus. Vieille lune fatiguée, tu ressembles à ce survivant de la horde de Gengis Khan, le vieux mendiant en loques noires.
     J’ai parlé de n’être rien : il est une densité qui permet à celui qui en est porteur de se passer d’identité – son être est un idéogramme.
     Ce qui me fascine, c’est un corps-esprit éclatant dans la lumière, ou la lumière inondant un corps-esprit. Le simple fait de marcher peut me plonger dans l’extase. Donnez-moi seulement un peu de pluie, ou un peu de vent, ou un peu de soleil.
     Et ce soir, c’est la pluie.
     Pluie sur Wanchai, pluie sur Tsimshatsui – j’aime faire glisser ces mots sur ma langue.
     Je n’ai pas envie de rentrer chez moi, à l’hôtel Confucius, pas encore. Je crois que je vais prendre un tram vers Shau ki wan et voir ce que la nuit peut encore m’offrir.
     Dans la nuit pluvieuse, un tram vert plein de visages jaunes allant vers Shau ki wan…


Le Bouddha Rieur (extrait)

     Confucius essayait d’accorder le monde, de lui faire rendre un son plein et juste (comme un carillon de pierre) au lieu de la cacophonie habituelle ; le Bouddha Rieur, lui, se contente de rire tout ce qu’il sait. Pour Confucius ou le pédagogue confucéen, la vie est un pensum, quelque chose qu’il faut composer avec effort ; pour le Bouddha rieur, c’est un absurdum. Quand les choses se gâtent, et Dieu sait que ça leur arrive, tout un chacun en vient un jour ou l’autre à penser à la solution du suicide. Confucius lui-même doit bien y avoir pensé à l’occasion (un gentil petit suicide bien dans les règles). Mais le bouddhisme tel que je le conçois est une technique qui permet de se suicider tout en continuant à vivre. Confucius s’appuie sur les rites, le Bouddha ne s’appuie sur rien, mieux même, il n’est rien et, n’étant rien, il est – ah, ah ! – quelque chose d’autre. Le Bouddha, le voilà, ces feuilles qui tourbillonnent dans le vent.

Presse
Un récit où l’on s’exalte et l’on exulte à toutes les pages.
     Gérard Guégan, Les Nouvelles littéraires

Le balancement s’opère incessamment entre les images du plein, du bruyant, du surodorant, du libidineux, du grouillant de la ville et celles qu’inspire une excursion solitaire, tel détour : ici la pais, le silence, le moment d’éternité – cet instant, oui, mais total – dans la cour d’un temple, une nuit sur la plage, une barque dérivant sur le lac. On voit bien ce que cherche alors le marcheur infatigable : voir au-delà de soi, ne pas s’attarder, se perdre dans les formes mouvantes du nuage, de l’eau, du feu contemplés qui contiennent toutes les autres sans être figées dans les opacités du prétendu réel. Est-ce l’approche, si ce n’est l’expérience, du vide ?
     Bertrand d’Astorg, Le Monde

Tant qu’à vouloir s’initier un peu aux multiples visages du Bouddha, autant que ce soit par l’intermédiaire d’un nomade de la pensée qui allie la tension propre à l’Occident avec la sérénétié de l’Orient. […]
S’il fallait à tout prix trouver une sorte de point de mire dans le passé à la démarche de ce barbare (soit dit en passant un des meilleurs poètes vivant acutellement en France), sans doute faudrait-il tourner les yeux vers un Nietzsche avec qui il possède en commun une haute singularité et une espèce de nihilisme passionné et roboratif qui le mettent à l’abi du prêt-à-penser contemporain.
     Maxime Caron, La Voix du Nord