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La Figure du dehors

Essais.
Nouvelle édition.
Marseille, Le mot et le reste, 2014.

Présentation de l'éditeur

Cartographie initiale, initiatrice, La Figure du dehors dessine les premiers itinéraires du nomadisme  intellectuel de Kenneth White. Cheminant entre poésie et philosophie, culture celte et pensée asiatique, il rencontre d’autres voyageurs, aussi désireux que lui d’ouvrir le monde : Rimbaud, Segalen, Pound, Bashô, Thoreau, Nietzsche, compagnons de route essentiels.

À partir de cet acte primordial, sortir des codes et des routines, revenir au paysage premier, il développe un programme, un « projet poétique fondamental » qui rend à la notion d’espace toute sa place. À une époque où la pensée semble sans élan, l’itinéraire tracé ici est à la fois une recherche et une résistance.
Extraits
Préface à la nouvelle édition

Dans le paysage culturel d’aujourd'hui, de plus en plus aplati, un livre tel que La Figure du dehors apparaîtra comme une roche erratique, voire comme un bolide surgi de l’espace interstellaire. Les propositions de ce livre présentent toujours, trente ans après sa première publication, la pointe du possible. Mais les « pointes » disparaissent de l’espace public, toute la place étant occupée par une épaisse sociologie entourée comme « supplément d’âme » par une frange de rêves creux.
C’est que la France, où j’avais choisi de situer mon travail, est en passe d’atteindre le stade culturel abyssal auquel j’avais voulu échapper en quittant la Grande-Bretagne il y a une quarantaine d’années. Si je dis « en passe de », c’est qu’il reste, heureusement, quelques poches de résistance, quelques foyers de transcendance. C’est avec ceux-là que je continue à travailler : en tant que résistant culturel et nomade intellectuel.
Nomade intellectuel ?
C’est l’intellectuel nomade. C’est-à-dire ni l’intellectuel platonicien idéaliste, ni l’intellectuel engagé sartrien, ni, nouvel avatar, l’intellectuel médiatique qui commente à la petite semaine des événements socio-politiques ressemblant de plus en plus à des épisodes de vaudeville. Le nomade intellectuel, lui, traverse territoires et cultures afin d’ouvrir un espace mondial plus clair, plus vif, plus inspirant que l’« état de culture » évoqué plus haut, répandu d’abord par les maîtres mondocides du marketing.
Faut-il insister sur l’affaissement, l’affadissement qui s’étale complaisamment aujourd'hui en France ? Dans certains milieux de l’édition, par exemple, proposer une littérature visant au développement de l’esprit, c’est-à-dire à autre chose que de la matière vite consommable, publiée dans un unique but commercial, c’est faire figure de plouc arriéré, d’indécrottable néanderthalien.
La première question, vis-à-vis d’un tel état de choses, est celle-ci : quelle attitude adopter, si tant est que l’on ait gardé assez d’extériorité lucide pour avoir un jugement critique ? Un désespoir tranquille ? Une résignation muette ? Un cynisme glacial ? Un isolement total ? Je comprends très bien de telles attitudes, je peux sympathiser avec elles, mais je ne peux m’en contenter. Mon intention a toujours été d’ouvrir un autre espace pour le déploiement de l’esprit.
La Figure du dehors a été ma première cartographie. Elle avait été précédée par toutes sortes de lectures et de cogitations, par toute une série de voyages, mais ce livre était une première tentative pour dessiner une configuration, créer un champ de références. Sans un tel champ de références, difficile selon certains, « extrême » selon d’autres, l’avenir sera fait d’une prolifération de facilités, de simplismes, pouvant mener à leur tour à des extrémismes fanatiques de toutes sortes.
Ma méthode cartographique peut sembler insolite, plus insolite encore qu’au xvie siècle celle de Gérard Mercator de Rupelmonde, qui avait travaillé sur les portulans des marins avant d’élaborer son système de projection, et d’arriver enfin à sa « description nouvelle et augmentée des terres du monde ». Les éléments que je rassemble dans ce livre peuvent aussi sembler hétérogènes. À partir d’un fond « archaïque », c’est-à-dire principiel, j’esquisse un programme, un projet poétique (au sens large et puissant de ce mot) fondamental. Pour ce faire, je passe par Rimbaud (« Beaucoup d’écrivains, peu d’auteurs »), Saint-John Perse (« Lointaine est l’autre rive où le message s’illumine »), Joseph Delteil (« L’esprit se plaît à vagabonder dans les lieux extrêmes »), Victor Segalen (« Le départ d’un pays vers un monde »), Thoreau (« Je veux parler hors frontières, comme un homme éveillé à des hommes éveillés »), Ezra Pound (« C’est simple : je veux une nouvelle civilisation »), Charles Olson (« Trouver un discours autre que celui dont nous avons hérité »). Hétérogène, soit – mais il y a une logique latente, et un fil autobiographique constant : « Drôle de vie que la mienne, étrange carrière, pleine de hauts et de bas, et qui se refuse à séparer, dans l’intérêt de je ne sais quelle unité, le proche et le lointain, le sublime et le grotesque, le moi et le non-moi. » Toutes les figures évoquées sont, d’une manière ou d’une autre, et souvent de plusieurs manières à la fois, des alter ego, l’« ego » en question étant engagé dans une navigation qui n’est nullement narcissique.
Depuis ce premier livre cartographique, j’ai continué dans le même sens, en multipliant les chemins, en élargissant le champ, en affinant un lexique, une sémantique. Pour rien, peut-être. Comme baroud d’honneur. Comme ces moines des îles de l’Ouest qui, au moment où tout s’effondrait, maintenaient un style de vie et une ligne de pensée haute et vigoureuse.
Mais qui sait ? L’Histoire a déjà connu de brusques tournants, et des moments inattendus d’ouverture.

KW
Côte nord de la Bretagne
Été 2014

Presse
L’aspiration du titre à emmener son lecteur en un lieu ouvert se confirme dès la première page. Voilà qui est à comprendre comme une dénonciation en creux – pour ne pas dire en vacuité – de la sémiotique et de ses excès. White critiqua ouvertement Roland Barthes pour son Empire des signes jadis adulé dans les milieux académiques et qui laisse plus perplexe aujourd’hui. Non seulement Kenneth White refuse l’enfermement de l’esprit dans le trop humain de signes qui ne font que se répondre à l’infini en une multiplication kaléidoscopique et spéculaire, mais il ne considère pas non plus le monde, la ‘Nature’, comme un grand livre à lire. Il cherche et propose une méthode :
« Cette aurore, cette poéticité nouvelle, implique non seulement une mise en question de notre héritage culturel et conceptuel, mais aussi, […] le désir, et la volonté, de sortir à la découverte de contextes culturels et de manières de penser dont cet héritage n’a pas tenu compte. »   
     Régis Poulet

Lire l'article dans son intégralité dans La Revue des Ressources

Lire également la revue de presse de la première édition.