L'Anorak du goéland
Haïkus. Éditiion bilingue.
Rouen, L’Instant Perpétuel, 1986.
Préface
En cette fin d’automne, sur la côte nord de la Bretagne, reprenant les carnets où ils ont vu le jour pour la première fois, je rassemble ces quelques haïkus, afin de répondre à la proposition qui m’a été faite d’en constituer un petit livre.
Je revois mentalement les lieux où ils ont été écrits : une île atlantique, un chemin de montagne à Taïwan, une vallée pyrénéenne, une rue de Kyoto, ici même…
Je pense à ces lieux et, à travers eux, à quelque chose qui porterait difficilement un nom, mais qui transparaît, peut-être, ici et là, dans cette poignée de « non-poèmes ».
Donner un titre à ce livre n’a pas été facile.
J’ai pensé d’abord à La lune dans ma soupe (voir le haïku « Repas du soir »), et à d’autres titres pris dans le texte même.
Puis, à un moment donné, j’ai ouvert au hasart un livre de koan (« phrases à creuser ») zen. À la question du maître : « Quand il n’y a plus d’endroit où aller, que se passe-t-il ? » l’élève répond : « Quelques pierres sur un vieux chemin. »
Cela m’a beaucoup tenté, car ces mots : Quelques pierres sur un vieux chemin expriment une idée qui me tient beaucoup à cœur, celle d’une continuité d’efforts à travers l’espace et le temps.
Mais aujourd'hui, jour de pluie, alors que je me promenais sous les cris des goélands dans la grisaille marine, pensant au manteau de pluie que le vieux maître Bashô voulait offrir au petit singe trempé, un titre s’est enfin imposé : L’Anorak du goéland.
Et, dès ce jour, je fonde l’École de l’anorak, basée sur l’idée de haiku-walking (la « promenade-haïku »). Cette école constituera la section ambulante de l’Académie des goélands, consacrée à l’écologie de l’esprit, à la philosophie naturelle, et à la préservation poétique du monde.
K. W.
Gwenved
9 novembre 1985
Extraits